Mexique : «l’affaire Vallarta», symbole d'une justice indigne
19 décembre 2019 à 15:33
![Frank Berton et Agustin Acosta, avocats de Florence Cassez, s'adressent aux médias après leur départ de la Cour suprême à Mexico, le 23 janvier 2013.](https://medias.liberation.fr/photo/1281054-franck-berton-french-lawyer-of-florence-cassez-and-mexican-agustin-acosta-defense-lawyer-of-cassez-s.jpg?modified_at=1576766274&width=960)
Israel Vallarta est l’un des détenus qui, au Mexique, a passé le plus de temps en prison sans avoir été reconnu coupable du moindre crime : quatorze ans sans jugement. Mais ce n’est pas cette longévité carcérale qui lui vaut sa renommée : son cas a été médiatisé dès son arrestation, en décembre 2005, lors d’une fausse libération d’otages orchestrée par la police fédérale et retransmise en direct à la télévision. Dans le rôle des kidnappeurs : Israel Vallarta et Florence Cassez, une citoyenne française. Le couple avait été arrêté sans justification et forcé de participer, un jour plus tard, à un montage conçu pour les incriminer.
A l’époque, la police fédérale, accusée d’accointances avec le cartel de Sinaloa, entendait laver son image et détourner l’attention des médias. Les ficelles sont grossières, mais dans un pays où les enlèvements horrifient l’opinion publique, le show convainc. Et même si la tromperie est ensuite révélée, une majorité de Mexicains restent convaincus d’avoir bien vu, à la télévision, des kidnappeurs et leurs victimes.
Vaste fumisterie
En 2013, la Cour suprême mexicaine ordonnait la libération de Florence Cassez, jugeant toute l’enquête entachée par cette vaste fumisterie. Les médias mexicains débattent régulièrement de «l’affaire Cassez». Jamais de «l’affaire Vallarta».
En 2011, le documentaire Presunto Culpable, qui retrace le destin d’un jeune rappeur accusé d’assassinat, avait bouleversé les Mexicains. Mais davantage encore que cette fabrication de coupable, le cas de Vallarta agglomère tout ce que le système policier et judiciaire contient d’imposture purulente et d’illégalité systématique. Peu d’histoires sont aussi emblématiques de tous les abus commis au nom de cette justice dégradée.
Israel Vallarta a été torturé brutalement, y compris devant les caméras de télévision. Dans un pays où la torture est «généralisée», selon l’ONU, rares sont ceux qui s’en sont formalisés. Il a été envoyé dans une prison fédérale de haute sécurité, aux côtés des plus grands criminels. Sa défense a été sabotée par les juges successifs qui se sont refilés son dossier, fabriqué de toutes pièces, bourré de témoignages obtenus sous pression policière. Cinq membres de sa famille, deux frères et trois neveux, ont été arrêtés illégalement, torturés et emprisonnés.
Obscur système pénal
«Deux poids deux mesures pour Cassez et Vallarta ?» se demandait récemment le journaliste mexicain Julio Hernández López. L’affaire ressurgit ces jours-ci, suite à l’arrestation, le 10 décembre aux Etats-Unis, de Genaro García Luna, l’ancien chef de la police fédérale et responsable du montage de 2005. Il est accusé par la justice américaine d’avoir protégé le cartel de Sinaloa lorsqu’il était à la tête de la sécurité nationale entre 2000 et 2012.
Durant quatorze ans, le cas de Vallarta a été oublié, relégué, et d’audiences reportées en piétinements de procédure, il s’est enlisé dans les rouages d’un système pénal écrit obscur et dans les centaines de tomes inintelligibles issus des manœuvres de la police et du Parquet fédéral. Présumé innocent jusqu’à ce jour, Israel Vallarta a 49 ans. Il purge une longue peine de prison qui n’a jamais été prononcée.
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